Un état juif est une menace permanente à la paix (letter ouverte au Monde)
De Elias Davidsson le 3 juillet 2003 à Le Monde Cher Monsieur Paris, Je suis juif, né en Palestine en 1941 et habite actuellement en Islande. J’ai été élevé dans un foyer traditionnel juif, fréquenté une école juive et été membre d’une association de jeunesse sioniste. Et pourtant, j’ai lentement réalisé que le sionisme était une forme insidieuse de racisme et que l’existence d’un Etat basé sur la suprémacie des juifs était contraire aux principes universels des droits humains. C’est pourquoi je pense que votre perspective du conflit dans mon pays natal souffre d’un manque de compréhension de ce qui anime la politique israélienne. Ce conflit n’est pas entre deux nationalismes légitimes et ne pourra pas être résolu sur la base de négotiations. Il s’agit d’un conflit entre deux conceptions incompatibles de l’existence humaine, l’une basée sur la suprémacie raciste (apartheid) et l’autre sur la conception des droits universels de l’homme. Les Palestiniens ne demandent qu’une chose : de pouvoir jouir de leurs droits humains fondamentaux, ce que Israël leur a toujours refusé parce que reconnaître ces droits ne pourra être fait sans renier le projet sioniste d’un Etat bâti sur le contrôle de la politique par des "juifs" (une catégorie définie par la descendance biologique). C’est pourquoi, par exemple, l’Etat "juif" refuse catéogoriquement de reconnaître le droit au retour des réfugiés palestiniens. Leur seul crime : ne pas être membres du peuple "élu". Pourtant, ce droit leur est reconnu aussi bien politiquement (résolutions de l’Assemblée générale des Nations-Unies) que juridiquement (conventions des droits de l’homme). C’est pourquoi Israël refuse d’annexer les territoires occupés et d’accorder à leurs habitants la pleine citoyenneté israélienne et les droits égaux. C’est pourquoi Israël construit un mur autour des villages et villes palestiniens, avec l’espoir de rendre la vie des Palestiniens insupportable et les inciter à émigrer, une forme "douce" d’un crime contre l’humanité. Or, les Palestiniens ne pourront jamais "devenir des juifs" pour jouir de leurs droits. Je nomme même pas le fait -incontrovertible – que la colonisation sioniste de la Palestine, commencée avec la complicitié de la Grande-Bretagne en 1917, est elle-même illégitime en regard du principe du droit d’un peuple à l’auto-détermination, que cette colonisation a bafoué. Il ne s’agit donc pas, comme certains le pensent, que le retrait des soldats israéliens d’une petite partie de la Palestine (bande de Gaza et la rive ouest du Jourdain) résoudra les problèmes, car le projet sioniste est continuellement menacé par la paix avec le monde arabe. Mes réflexions ci-haut sont partagées par des milliers de juifs démocrates par le monde entier, et même par un groupe ultra-orthodoxe juif, Neturei Karta, qui rejette entièrement la légitimité d’un Etat juif. Mon rejet se base sur les principes universels des droits humains tandis que leur rejet se base sur les principes de la Torah juive. Je vous prie de réfléchir à ces réflexions et donner la place dans vos écrits à l’opposition démocrate parmi des juifs à l’idée d’un Etat juif. Merci, Elias Davidsson, compositeur |